Par trois arrêts du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a considéré que le droit à congé devait s’aligner sur les dispositions du droit européen qui repose sur le principe que le droit aux congés payés est rattaché à la qualité de travailleur et qu’en conséquence ce droit perdure même pendant les arrêts maladie.

Il en résulte que :

  • Lessalariés absents pour cause de maladie non-professionnelle gardent le droit d’acquérir desjours
    de congés payés. (Cass. Soc n°22-17.340).
  • Les salariés étant absent pour cause de maladie professionnelle ou d’accident du travail pourront
    obtenir des congés payés sur toute leur période d’absence au-delà de l’ancienne limite de 1 an.
    (cass. Soc n°22-17.638).

L’application dans le temps et l’effet rétroactif de l’arrêt du 13 septembre 2023 :

* Conséquences en matière de prescription

Une prescription de trois ans court à compter de la fin de la période au cours de laquelle les congés
auraient pu être pris à condition que l’employeur ait accompli les diligences nécessaires pour que le salarié puisse effectivement exercer son droit.

Sinon les droits du salarié ne sont pas prescrits car le délai n’a pas débuté. (Cass. Soc n°22-10.529).

* L’effet rétroactif de la décision

En cas d’absence de délai de prescription, se pose la question du point de départ de l’acquisition des
droits aux congés payés.
La jurisprudence actuelle considère que le point de départ pour l’acquisition de ces droits serait le 1er
décembre 2009, date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

La décision du Conseil Constitutionnel :

Saisi par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel devait statuer sur une question prioritaire de
constitutionnalité relative à la conformité des articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du code du travail aux droits et libertés garantis par la Constitution et, plus particulièrement le droit des travailleurs au repos garanti par l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 et au principe d’égalité.

Pour dire que les dispositions légales sont conformes à la Constitution, le Conseil a considéré que :

Si le principe d’un congé annuel payé est l’une des garanties du droit au repos, le législateur dispose, au
regard de la Constitution, d’une liberté quant à la détermination des conditions de mise en œuvre de ce
congé et qu’il lui était donc loisible, d’une part, de ne pas prévoir de droit à l’acquisition de congés en cas d’absence pour maladie non professionnelle et, d’autre part, de limiter à un an le droit à une telle acquisition en cas d’arrêt de travail d’origine professionnelle.

Cons. Const., QPC, 8 févr. 2024, no 2023-1079

Il s’agit là d’une conformité de la loi à la constitution.

Cette validation ne remet toutefois pas en cause la non-conformité de ces dispositions au droit de l’Union Européenne.

La jurisprudence :

Les décisions de la plupart des CA s’alignent sur la position de la Cour de Cassation :

CA Paris 27 septembre 2023, RG n°21/01244
CA Lyon 26 janvier 2024, RG n°20/05547
CA BORDEAUX 7 février 2024, RG n°23/04292

Le salarié peut obtenir en référé, devant le CPH, une provision sur l’indemnité compensatrice de congés payés correspondant aux périodes acquises pendant ses arrêts maladie. Et ce, en s’appuyant sur les arrêts du 13 septembre dernier.

C’est en tout cas ce que décide la cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 7 février 2024.
Selon les juges, appliquant la nouvelle position de la Cour de cassation, il n’est pas sérieusement contestable qu’un salarié en arrêt maladie acquiert (sans limitation) des congés payés.
Ils font donc application de l’article R.1455-7 du Code du travail.
En l’espèce, la salariée réclamait la somme de 10k€, correspondant à 67 jours de congés payés. Il lui est
accordé cette somme à titre de provision.

L’intervention du législateur :

Le législateur devra intervenir rapidement compte tenu du coût engendré par le revirement de jurisprudence.
Il devra se positionner sur sa conception du droit à congé et sur la prescription et le point de départ de la prescription.

➢ Il existe 2 conceptions différentes du droit à congé :

– Le droit à congé payé repose en France exclusivement sur le droit au repos.
Le congé payé est dès lors la contrepartie du travail effectif.
Dans cette logique, en présence d’un arrêt de travail qui suppose par définition une absence de
travail, aucun droit à congé payé ne devrait être généré.
– Le droit à congé payé en Europe repose sur la qualité de travailleur et est indépendante d’un travail
effectif.

➢ Sur la prescription et le point de départ de la prescription :

Il est nécessaire de fixer le délai de prescription et le point de départ de ce délai.

Il pourrait être envisagé d’introduire un délai butoir, c’est-à-dire une durée maximale au-delà de laquelle l’action ne pourrait plus être engagée par le salarié, indépendamment de l’éventuel report du point de départ, de suspension, ou d’interruption.

Exemple : 10 ans après l’expiration de la période de prise de congés.

Pour sécuriser les employeurs comme les salariés, il est urgent que le législateur intervienne